Steve Wilfried Yomba : « La situation des arbitres confirme la fragilité des associations des acteurs du football »

Ce mercredi, les arbitres n’ont pas respecté le mot de grève lancé lundi dernier, par le président de l’Association Camerounaise des Arbitres (ACAF). Ces arbitres ont décidé d’officier les rencontres d’Elite One programmées ce mercredi. Cette situation n’est pas une surprise et confirme la fragilité des associations autour des acteurs du football camerounais.

Après l’Association des Clubs d’Elite qui est actuellement divisée, le Syndicat National des Footballeurs Camerounais qui a été exclu sans que les joueurs n’aient leur mot à dire, c’est autour de l’Association Camerounaise des Arbitres de Football (ACAF) de faire face à un échec cuisant de solidarité et défense des intérêts généraux. Cette situation a été analysée par notre rédacteur Steve Wilfried Yomba.

Journaliste : Comment avez vous observé le mode de grève d’Alioum Sidi ?

Steve Wilfried Yomba : « Déjà, si les arbitres réclament vraiment 300 millions de FCFA à la Fédération Camerounaise de Football et que certains arbitres soient à 2 ans ou même 25 matchs sans émoluments, il est normal que la situation arrive à ce niveau. On sait tous que ce n’est pas la première fois que l’Association attire l’attention des responsables de la Fédération. On se souvient déjà qu’en 2023, et même l’année dernière, ils ont réclamé leurs émoluments. Mais au lieu de solder, la Fécafoot à chaque fois, payé quelques matchs et accumulé d’autres matchs. Avec ce cumule de dette, il est donc normal qu’à un moment donné ça craque et lâche. »

Journaliste : Beaucoup de gens parlent de la manipulation et d’un mouvement créé par les retraités comment voyez vous l’affaire ?

Steve Wilfried Yomba :  « C’est vrai que le président de l’Association est un retraité. Mais le président de la Fédération Camerounaise de Football qui est une association sportive est aussi sportif retraité. Le président du Syndicat National des Footballeurs est un Footballeur retraité, tout comme le Président d’une Association des Footballeurs qui a été agréé à la Fédération comme représentant des joueurs sans le consentement des joueurs est dirigée par un retraité.

Pourquoi donc on veut penser que comme Alioum Sidi qui est l’un pour ne pas dire le meilleur arbitre camerounais des 10 dernières années n’agit pas pour l’intérêt des arbitres comme il est retraité ? Il faut qu’on arrête de manipuler l’opinion publique. Le problème ici c’est le payement des émoluments des arbitres et non une histoire de qui est retraité ou non. Est-ce que cela a été fait ? Est-ce que c’est faux que ces arbitres sont pas payés ? Je ne pense pas, parce que connaissant notre fédération si c’était le cas, elle aurait déjà fait une note pour le dire avec des preuves à l’appui. C’est un faux débat de parler de retraite dans ce contexte. »

Journaliste : Plusieurs parlent aussi d’une tentation de déstabilisation de la Fédération par les adversaires de Samuel Eto’o que pensez-vous ?

Steve Wilfried Yomba : « Le problème au Cameroun c’est que certains sont entrés dans le fanatisme. Tu vois même des journalistes qui vont vénérer un acteur de football et sont donc incapables de donner une analyse froide quand à la situation. Ici il est question de payement des arbitres. Est-ce que les arbitres sont payés ? Si quelqu’un peut prouver que les arbitres sont payés ce sera utile. Venir parler de déstabilisation et éviter le sujet qui est sur la table est une limite intellectuelle.

La Fédération Camerounaise de Fooball demande les justificatifs de payement des salaires des joueurs aux clubs avant de verser l’argent du sponsor et la subvention de l’État ce qui est normal. Elle demande ces preuves en fonction des virements bancaires. Est-ce qu’elle même elle paye ses arbitres par virement bancaire ? Aujourd’hui, parler de déstabilisation du travail du président est un échappatoire. Est-ce que les arbitres sont payés ? C’est de ça qu’il est question. Je pense que ce n’est pas le cas parce que connaissant notre Fédération, les communiqués auraient fusé en ce sens. La situation est actuellement floue. »

Lire aussi : Elite One : Les arbitres ont répondu présent pour le duel Aigle du Moungo – Coton Sport

Journaliste : Malgré le mot de grève du président de l’ACAF, des arbitres sont sur le terrain aujourd’hui, comment voyez vous les choses ?

Steve Wilfried Yomba : « Déjà, je ne suis pas surpris de la présence des arbitres sur le terrain. Pour moi c’était prévisible et ça confirme clairement la fragilité des associations autour des acteurs de football. Regardez par exemple l’Association des Club d’Elite du Cameroun. À quoi ressemble t-elle ? Elle est divisée. Regardez le SYNAFOC, il est fragilisé avec l’Association Nationale des Footballeurs Camerounais sans que les joueurs qui sont censés élire leurs représentants n’aient leur mot à dire.

Regardez l’Association des journalistes Sportifs Camerounais, elle aussi est pratiquement divisée. Vous pensez que c’est l’Association Camerounaise des Arbitres de Football qui va résister ? C’est impossible. Aujourd’hui on est dans un principe de division. Et la division c’est généralement pour pouvoir avoir un règne contrôlé. Donc je ne suis pas surpris qu’on soit à ce niveau parce que je comprends de jour en jour que les Associations au Cameroun ne servent à rien et sont facilement manipulables. »

Journaliste : Et pourquoi tout ça ? Est-ce la faute de Samuel Eto’o ?

Steve Wilfried Yomba : « Samuel Eto’o tire juste profit de la situation. En bon stratège il sait s’en servir pour arriver à ses objectifs. Il n’a rien créé dans cette discorde mais avec son aura, il sait juste l’exploiter. Aujourd’hui par exemple, regarde la situation des arbitres. Sachant que l’Association est fragile, il suffit d’en tirer profit et avoir quelques un qui vont détruire le mouvement. Pour ma part, le problème est juste d’ordre statutaire et organisationnel. Je vais vous prendre un exemple. Pourquoi il peut pas y avoir deux Fédérations de football au Cameroun ? Parce que statutairement c’est compliqué. Qu’est ce qui rend ça compliqué ? C’est l’agrément que la FIFA et l’État du Cameroun donnent à la Fédération.

Maintenant, est-ce qu’au niveau de la FIFA ou l’État on peut facilement retirer l’agrément à la Fédération? Non. Parce que juridiquement c’est compliqué et c’est ficelé par certains textes. Maintenant, je reviens au niveau des Associations. Je vais prendre l’exemple de lAssociation des Journalistes Sportifs du Cameroun. Tu as du mal à t’inscrire à FIFA Média si tu n’as pas une carte presse de l’AJSC par exemple et dans les normes même dans CAF média il te faut ça. Ce qui signifie que si tu rêves de couvrir une compétition internationale dans les normes, tu dois être membre de l’AJSC.

Est-ce que l’AJSC exploite ce pouvoir ? Aujourd’hui on parle d’une grève des arbitres qui a avorté. Imaginons l’AJSC veut pousser les journalistes à grever face à une situation, est-ce qu’il y a des mécanismes de sanctions qui peuvent impacter sur le plan économique et à l’international sur le plan professionnel les journalistes qui ne vont pas respecter le mot de grève ? S’il y a pas cela, ça rend votre association fragile. Peu importe l’Association. C’est donc ce qui arrive aujourd’hui au niveau des arbitres. Si l’ACAF est reconnue au niveau de la Fédération comme Association des Arbitres au Cameroun, ça ne doit pas être facile pour la Fédération de manipuler cet agrément, dans les normes, aucun arbitre ne peut être désigné arbitre FECAFOOT, CAF et même au niveau de la FIFA sans carte de de membre de l’ACAF.

Par la suite, au niveau des statuts de l’ACAF, on doit mettre les sanctions pour les arbitres qui ne respectent pas les décisions de leur association. Cette association pourrait donc se servir de ce pouvoir pour bien fonctionner et être moins fragile. Elle devra mettre en place des mécanismes de sanctions très forts qui pourraient impacter sur le plan financier et même la carrière des arbitres. Imaginez un seul instant tout ça été réuni, pensez-vous qu’il y’aurait un seul arbitre qui pouvait se rendre au stade alors que son association qui peut le sanctionner brutalement et impacter son avenir professionnel à décidé d’une grève ? Je ne pense pas. Tout ce qui se passe aujourd’hui dans le football camerounais est le résultat de la fragilité des associations connexes et des textes très biaisés au niveau de la Fécafoot. »

Journaliste : Qu’est-ce qu’il faudrait donc pour résoudre ces problèmes ?

Steve Wilfried Yomba : « Ce problème ne présente pas seulement le problème des arbitres. Vous voyez dans mon récit, j’ai pris l’exemple de presque toutes les associations connexes au football camerounais. C’est un problème profond qui a un impact général sur le football camerounais. Les associations doivent être solides statutairement. Si ce n’est pas le cas, elles ne valent rien! Elles doivent avoir un agrément très difficilement révocables au niveau de la Fédération pour qu’on ne soit pas dans la situation du SYNAFOC.

Elles doivent avoir des textes solides qui peuvent avoir un impact sur l’avenir d’un membre. Quand une association a des textes bien établis et qui mettent plus en avant le mouvement vers l’intérêt général qu’individuel, je vous assure qu’on aura une Fédération très forte, qui ne peut pas s’amuser avec un des corps qui participe à son fonctionnement. D’autant plus que ce sont les représentants de ces associations qui votent les membres du Comité Exécutif de la Fédération. Aujourd’hui on est très loin de là d’où cette manipulation et on voit même des professionnels boycotter le mouvement de leur association pour des intérêts individuels ou d’un individu. On est loin de la lumière »

Merci Steve Wilfried Yomba pour cet entretien.